I. Trauermarsch (In gemessenem Schritt – Streng – Wie ein Kondukt) (Marche funèbre)
II. Stürmisch bewegt, mit grösster Vehemenz (Animé, avec véhémence)
III. Scherzo
IV. Adagietto
V. Rondo – Finale
Avec la Symphonie en ut dièse mineur, abandonnant son orientation primitive, Mahler s’en tient désormais à une stricte conception de la forme et unifie les éléments de sa propre musique. Il en relie les composants en ce que l’on pourrait appeler une architecture polyphonique. A priori, l’exploitation de son matériel thématique paraît aboutir à une construction compacte, massive. Mais une impression durable ne tarde pas à s’imposer : celle d’une structure musicale parfaitement limpide.
Les cinq mouvements de la Symphonie en ut dièse mineur s’inscrivent dans un schéma général en trois parties. L’oeuvre s’articule, symétriquement autour de son Scherzo (troisième volet). De part et d’autre de cet épisode central, deux séries de deux mouvements forment, respectivement, selon les intentions du compositeur, deux unités homogènes. L’examen de leur structure montre bien, en effet, que les mouvements 1 ou 2 sont étroitement liés. Il en est de même pour les quatrième et cinquième mouvements.
La symphonie débute par une marche funèbre. On connaît la passion de Mahler pour les rythmes de marche. Passion si impérative même que lorsqu’une harmonie militaire se trouvait à défiler dans la rue, le compositeur ne pouvait s’empêcher de se précipiter à la fenêtre pour la suivre du regard. Dans ses symphonies, Mahler transforme cette musique militaire en une sorte de parodie moqueuse et volontiers emphatique. A signaler parmi les nombreux éléments de la marche, une fanfare de trompettes dont les triolets joueront, par la suite, un rôle important et constructif.
A cela s’ajouteront différents thèmes, tout à fait dans le ton de cette procession funèbre. Le premier trio fournit un contraste net : son tempo rapide peut être considéré comme la première tentative pour dissiper l’atmosphère de deuil qui régnait jusqu’ici.
Encore que l’on puisse l’admettre comme formant un tout, la marche funèbre contient différents thèmes qui ne seront pleinement développés que dans le second mouvement. C’est donc à juste titre que celui-ci a toujours été considéré comme le complément du premier. Vis-à-vis de lui, la marche funèbre joue, pourrait-on dire, le rôle d’une dette dont il s’agit de se libérer. Un nouveau matériel thématique s’oppose continuellement à des citations de la marche et au retour de l’atmosphère funèbre. Dans ce mouvement, une contradiction paraît avoir été résolue mais on ne sait pas très bien, en définitive, de quel côté penchera la décision. Ambiguïté soigneusement entretenue par le compositeur, lequel pense à son Scherzo et réserve à cet épisode central la mission de préciser la signification profonde de la première section.
Poursuivant son programme, Mahler conclut le second mouvement par un choral grandiose. A partir de là, la voie est libre pour l’une des musiques les plus joyeuses et les plus équilibrées, jamais écrites par l’auteur du « Chant de la Terre »; tous les éléments en sont soigneusement travaillés. Mahler prend soin de varier l’instrumentation de chaque reprise de telle sorte que son matériel thématique se présente, en permanence, sous un nouvel éclairage.
Ce troisième mouvement occupe donc le centre de la Symphonie en ut dièse mineur. Il en est le pivot Marqué Scherzo, il pourrait tout aussi aisément passer pour un intermezzo. Moment de détente mais aussi – centre de gravité – entre deux blocs sonores, il recèle déjà les éléments qui orienteront le développement ultérieur de la symphonie.
La troisième section débute par un court Adagietto, en fa majeur, avec un important épisode central en ré. L’écriture contrapuntique de cette page est l’une des plus étonnantes que l’on puisse trouver chez Mahler.
L’élément le plus remarquable du finale est son architecture. Mahler choisit d’écrire un Rondo dont l’attrait réside essentiellement dans la présence de trois figures successives aux thèmes à peine modifiés mais soutenus par de nouveaux éléments contrapuntiques; A la fin du cinquième mouvement, un nouveau choral rejoint, par-delà le scherzo central, la conclusion de la première section (second mouvement) et marque le – sommet d’intensité – d’une vaste architecture ; Ainsi le chemin parcouru depuis les triolets de trompette du premier mouvement jusqu’au choral du finale correspond-il à une fascinante métamorphose fondée sur le développement permanent du matériel thématique et réalisée sous la poussée d’un idée créative impérative.
Yves Hucher
Nomenclature orchestrale :
4 flûtes (dont 4 piccolos), 3 hautbois (dont 1 cor anglais), 4 clarinettes (dont 1 clarinette basse et 1 petite clarinette), 3 bassons (dont 1 contrebasson), 6 cors, 4 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, percussion, 1 harpe et cordes.