Composé en 1880, et crée le 22 mai par A. Čech au Nouveau Théâtre tchèque.
Ecrite par Shakespeare vers 1610-1611, La Tempête compte parmi les dernières créations du dramaturge. Sur scène, on y découvre Prospero, duc de Milan déchu par son frère, maîtrisant les éléments naturels, sa fille Miranda, exilée avec lui sur une île déserte, ainsi que les esprits Ariel et Caliban, l’un associé à l’air et au souffle de vie, l’autre à la terre et la mort. Provoquée par Ariel, une tempête jette sur les côtes le navire du roi de Naples, de son fils Ferdinand et du frère de Prospero. La punition deviendra alors une véritable initiation conduisant les deux frères à la réconciliation. Assurément, un tel déchaînement des éléments ne pouvait laisser les musiciens indifférents tant il est vrai que les tempêtes ont envahi très tôt l’opéra, et tout particulièrement la tragédie lyrique. Des opéras donc, on retiendra quelques ouvrages de Purcell, Peter von Winter, Halevy, Frank Martin ou, plus récemment, Thomas Adès. Mais on se souviendra encore des orages instrumentaux de Beethoven et Tchaïkovski, des musiques de scène de Chausson, Honegger et Sibelius, ainsi que d’une fantaisie de Berlioz dans Lelio ou le Retour à la vie. Enfin, on retiendra surtout le nom de Zdeněk Fibich pour deux ouvrages : un poème symphonique écrit en 1880, et un opéra achevé quatorze ans plus tard.
De vingt-six ans cadet de Smetana, et de neuf ans cadet de Dvořák, Fibich ne bénéficia jamais de la célébrité de ses pairs. Non qu’il ne se soit inscrit ni dans le nationalisme du premier, solidement ancré dans les mélodies et les rythmes populaires, ni dans le cosmopolitisme du second, tandis que lui-même avait poursuivi ses études à Leipzig, mais que ses activités de second chef au Théâtre national de Prague et de maître de chœur à l’Eglise russe l’ont maintenu trop longtemps dans l’ombre, et qu’il a finalement dû se résoudre à vivre grâce aux leçons privées. Une activité qui, à défaut d’être prestigieuse, lui a permis de rencontrer l’amour avec sa jeune élève Anežka Schulzová. Demeure de cette carrière en mi-teinte un catalogue abondant, avec une vingtaine d’opéras dont la majeure partie a été jouée à Prague, des musiques de scène, trois symphonies et maints poèmes symphoniques confirmant le goût du compositeur pour la musique à programme. Liste non exhaustive naturellement, négligeant ouvertures, musique de chambre, morceaux de piano et mélodies diverses. On retiendra donc que Shakespeare entra dans sa musique avec Othello dès 1873, année du premier mariage du musicien avec Růžena Hanušová, et qu’il y revint par deux fois avec La tempête, la seconde fois peu après sa rencontre avec Anežka.
De la pièce de Shakespeare, Fibich a essentiellement retenu les rafales de vent (bois et cordes trémolo) et les grondements de l’orage. On pense à l’ouverture du Vaisseau fantôme de Wagner, opera créé trente-sept ans plus tôt à Dresde. Mais peut-être Fibich fait-il aussi entrer quelques personnages, telle Miranda sous la forme d’un motif de clarinette. Curieusement, la tempête se métamorphose brièvement, juste avant ce motif, en une joyeuse danse. Assurément, on pourrait y voir un présage de fin heureuse si, aux contrebasses, les intervalles récurrents de triton n’imposaient leur instabilité tonale.
François-Gildas Tual
Nomenclature Orchestrale : 3 flûtes, 2 hautbois, 3 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, percussions, harpe, cordes
Durée approximative : 10 minutes environ
Première exécution à Monte-Carlo