Version révisée de 1905 et créée à Berlin le 19 octobre de la même année, par Karel Halir sous la direction de Richard Strauss.
Dernière exécution à Monte-Carlo : 15 octobre 2006 – Auditorium Rainier III – Leonidas KAVAKOS, violon
– Allegro moderato
– Adagio di molto
– Allegro, ma non tanto
Chose étonnante à nos yeux aujourd’hui pour une œuvre aussi célèbre, le concerto pour violon en ré mineur de Sibelius, unanimement considéré comme parmi les plus belles incarnations tardives du concerto romantique, souffrit, peu après sa création en 1904, d’une critique parfois peu compréhensive. Certes, tous les jugements n’étaient pas négatifs, mais il en fut de Karl Flodin, dans l’Helsingfors-Posten puis dans Euterpe, qui eurent un effet désolant, participant sans doute à la désaffection du public lors de la reprise de l’œuvre les jours suivants. « Permettez-moi de dire que le concerto est ennuyeux », déclarait l’auteur de l’article. Et celui-ci précisait n’y avoir pas trouvé ce qu’il désirait tant y entendre, soit un concerto « finlandais, sibélien, nouveau dans sa forme et dans son traitement des aspects techniques et de l’essence même du genre ». Mais ce qui l’avait le plus incommodé, c’était cette virtuosité à laquelle sacrifiait consciemment Sibelius, une virtuosité qui ne cédait pourtant jamais à la gratuité ou à la facilité.
Dans le développement du matériau motivique comme dans les périodes de transition plus libres, il ne demeurait véritablement du concerto que le soliste, tout dialogue et, plus encore, tout affrontement avec l’orchestre étant définitivement éclipsé par la domination constante du soliste. Et si la première audition de l’œuvre souffrit peut-être des difficultés techniques de l’interprète, il n’en reste pas moins que Sibelius préféra réviser sa partition, le premier mouvement tout particulièrement, n’hésitant pas à revoir les équilibres de l’instrumentation et à couper certains instants.
Karl Flodin reprochait à Sibelius l’utilisation maladroite de certains instruments à vent, couvrant trop un violon confiné dans son registre le plus grave. Qu’importe, c’est bien l’orchestrateur qui surprendra le public dès les premières mesures, alors que la double exposition traditionnelle laisse place non pas à une première cadence, mais à un véritable thème chanté par le soliste. Un thème ? Le chant rendu à lui-même. Dès la première note légèrement dissonante, une longue incantation sur un discret tapis de cordes, comme étrangère au bruissement merveilleux qui la soutient. Dessous, pianissimo avec sourdines, l’apparente immobilité des violons – ni alto, ni violoncelle – est bientôt remise en cause par de discrets mouvements internes. Une telle partition est bien sûr redevable à son inspiration mélodique autant qu’au raffinement de son accompagnement, sans oublier le fait que Sibélius lui-même était un très bon violoniste.
Dans le finale, sorte de « polonaise pour ours blanc » (Sir Donald Tovey), timbales et cordes se joignent au nouveau motif et à son rythme pointé caractéristique, à l’octave tout d’abord, puis construisant lentement l’harmonie. Mais l’envol du soliste amène une autre idée, et entraîne l’ensemble vers une conclusion symphonique plus triomphale, peut-être inattendue après de telles pages mais nullement dérisoire. Le violon saura préserver son entière indépendance jusqu’à sa dernière note, au point que l’orchestre aura bien souvent du mal à placer son ultime accord en même temps que lui.
Et cette version définitive suscitera finalement des critiques fort différentes, critiques allemandes il est vrai, mais à travers lesquelles Wilhelm Altmann (Die Musik) louera ce qu’il entendait, lui, y trouver : un finale « très finlandais par ses harmonies et ses rythmes« , et invitant le soliste à « se mettre en valeur de façon extrêmement gratifiante ».
François-Gildas Tual
Nomenclature orchestrale :
2 flûtes – 2 hautbois – 2 clarinettes – 2 bassons – 4 cors – 2 trompettes – 3 trombones – timbales – cordes.
Durée approximative : 31 minutes