La première audition du Concerto tel qu’écrit originellement par Schumann fut donnée quelques mois plus tard (en 1937), par Yehudi Menuhin, d’abord dans une version violon-piano au Carnegie Hall, puis avec le Philharmonique de New York dirigé par un autre grand violoniste, Georges Enesco. De fait, depuis 1937, l’oeuvre a ses champions, plus près de nous, Joshua Bell et Gidon Kremer, mais ils sont encore peu nombreux. La partition elle-même dut attendre 2009 pour que Breitkopf en propose une édition complète, elle n’existait jusque-là que dans un format de poche ! Le chef d’orchestre, Kenneth Woods confie : « Depuis que j’ai abordé l’oeuvre sérieusement, je ne peux que m’opposer aux dires de Brahms, Joachim et Clara, et décréter qu’il s’agit d’une page merveilleuse, profondément mouvante ; et, si Joachim avait tenu parole et avait joué la partition à Schumann, celui-ci aurait certainement effectué quelques modifications salutaires… ». Le désamour que connaît encore ce Concerto est peut–être la persistance de sentiments douloureux liés à son avènement ; sentiments douloureux véhiculés par ceux-là mêmes (Brahms, Joachim et Clara) qui furent directement impliqués sur le plan émotionnel et affectif…
Le premier mouvement partage avec les premiers mouvements des autres concertos de Schumann, ceux pour piano et pour violoncelle, des qualités rhapsodiques et universelles. Très au fait des relations historiques de tonalités telles que pratiquées dans les siècles passés, ce mouvement fait référence à des œuvres en ré mineur, comme la Neuvième de Beethoven ou La Chaconne de Bach. Ce qui confère à sa musique une dimension supplémentaire de puissance, de terreurs et de luttes existentielles. Le mouvement lent qui s’ouvre sur un solo de violoncelle est l’un des plus intimistes et fragiles du répertoire. La musique évolue ici dans un univers en demi-teintes ; un univers de visions éphémères, de désirs et d’obsessions…Tout comme pour ses deux autres concertos, pour le dernier mouvement (en forme de polonaise), Schumann laisse de côté le sensible et vulnérable Eusébius au profit de son moi confiant, extraverti et optimiste (Florestan) qui propulse sur le devant de la scène un final joyeux et virtuose poussant le soliste aux limites de ses possibilités !
Alice BLOT
Durée : 31 minutes environ
Nomenclature orchestrale :
2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, timbales, cordes
Dernière exécution à Monte-Carlo : 13 août 1980 Cour d’Honneur du Palais Princier, Gidon Kremer, violon et Zdenek Mácal direction