Composition : 1956
Création : le 1 décembre 1956, dans le cadre de la création de l’opérette éponyme au New York City Théâtre
Imagine-t-on seulement le compositeur de West side story s’engager dans les sentiers broussailleux de la philosophie ? Deux ans avant de mettre en musique les mésaventures et désillusions de Candide, curieux personnage de Voltaire parti à la recherche du « meilleur des mondes possibles », il s’était déjà attaqué au Banquet en proposant, avec sa Sérénade pour violon, une sorte de galerie de portraits inspirée par les figures du célèbre dialogue de Platon. En 1956 pourtant, l’œuvre st mal reçue par la critique, essentiellement gênée par sa dimension littéraire. « Bien sûr, l’œuvre n’est pas américaine » reconnaissait Berstein, « mais les questions qu’elle aborde nous concernent autant que le reste du monde – parfois même plus selon moi. » Et Bernstein explique que Candide n’est peut-être pas une véritable comédie musicale, mais est plus proche que jamais de la véritable opérette ou de l’opéra comique. Initialement, l’œuvre a été imaginée par Lillian Hellman comme une pièce de théâtre musical, jusqu’à ce que Bernstein y devine la possibilité d’en faire une opérette ; sans doute est-ce là que résidait la difficulté puisque le livret semble avoir déconcerté certains auditeurs, considéré comme trop sérieux par le critique du New York Times. En clair, tout était question de corrélation entre un sujet et un genre, peu habitué à de telles explorations philosophiques.
Si le spectacle connaît un relatif échec en ne restant que deux petits mois à l’affiche, la brève ouverture, reprise quelques semaines plus tard en concert, va s’inscrire durablement au répertoire des orchestres. Elle ne prétend pas résumer l’ensemble de la pièce ; il doit arriver tant de choses au personnage principal, tant d’autres figures doivent entrer en scène qu’un tel projet serait voué à l’échec. Sans doute l’ouverture n’est-elle simplement qu’un pot-pourri formidablement entraînant, une mise en condition « brisant la glace » ou, plus exactement, une incitation à écouter la suite. Une guerre, l’arrivée de l’Inquisition, un tremblement de terre, un duel et un naufrage : fêtes et réflexions sont mises à rude épreuve. Mais la multiplication des événements est déjà propice aux changements de couleurs, favorise les rythmes de danses, lance d’irrésistibles valses, tangos et autres mazurkas. Tout s’enchaîne si vite que c’est un formidable instrumental : ici le xylophone, là les timbales, puis voici la flûte et le basson, maintenant le piccolo. Les personnages entrent en scène : Candide et sa bien-aimée sur quelques notes du duo « Oh happy we », puis sur l’air de Cunégonde, « Glitter and be gay ». Pas de répit tant il est pour l’orchestre temps d’ouvrir grand les portes du « meilleur des mondes possibles. »