Après la pétillante, spirituelle, ironique partition de Till Eulenspiegel, Strauss s’attaque à un autre poème symphonique, Ainsi parla Zarathoustra, (1894) avant de nous donner son vivant, humain et grandiose Don Quichotte. Si la place même de cette partition, monumentale par la durée et d’un seul tenant, colossale par les moyens orchestraux exigés, a de quoi surprendre, l’annonce du Zarathoustra scandalisa les contemporains, à commencer par Peter Gast, l’ami de Nietzsche.
Si le musicien répondit par le dédain à ces attaques préventives, c’est peut-être qu’il avait lu Nietzsche lui-même qui avait écrit : « Sous quelle rubrique placer judicieusement Zarathoustra ? Je serais tenté de dire sous celle des symphonies ».
On sait que Zarathoustra fut un penseur devenu ermite avant l’âge de 30 ans. C’est par la formule « Ainsi parla Zarathoustra » qu’il termine chacun des apologues où il traite de l’homme, du monde et de la morale. Sujet bien peu philosophique sans doute ! A quoi Strauss répond : « Je n’ai pas voulu écrire de la musique philosophique (…) J’ai voulu donner en musique une idée de l’évolution de la race humaine (…) jusqu’à l’idée nietzchéenne du Surhomme ».
Ne pouvant entrer dans l’analyse détaillée d’une telle oeuvre, nous donnons ici avec quelques remarques, les sous-titres et le mouvement des huit parties.
1 – « Des idées religieuses » (très large). On notera que l’introduction a servi de générique au film de Stanley Kübrick, « 2001, l’Odyssée de l’espace ».
2 – « De l’aspiration suprême » (moins large) : une musique extatique s’oppose au thème grégorien du « Credo in unum Deo » entendu précédemment.
3 – « Des joies et des passions » (plus animé) : glorification de l’Ici-bas amenant un sentiment de satiété nettement exprimé.
4- « Le Chant du tombeau » (animé) : rappels thématiques dans une atmosphère lugubre.
5 – « Des Sciences » (un peu plus calme, très expressif) : c’est une fugue extrêmement complexe qui peut être comprise comme une parodie d’elle-même.
6 – « Le convalescent » (très lent, puis énergique). Ce titre est parfois interprété comme « l’âme délivrée de ses désirs ».
7 – « Le chant de la danse » célèbre le retour à la vie souriante.
8 – « Le chant du voyage nocturne » : c’est un hymne à la vie dans l’apaisement. Strauss avait prévu un sous-titre « Optimisme fin de siècle, dédié au XXème siècle », et il affirmait sa volonté d’écrire non pour des « rêveurs », mais pour des « rêveurs éveillés et conscients ». Chaque auditeur de Zarathoustra appréciera cette intention du compositeur selon son goût et sa sensibilité.
Yves Hucher
Nomenclature orchestrale :
4 flûtes (dont 2 piccolos), 3 hautbois, 1 cor anglais, 3 clarinettes (dont 1 clarinette basse), 1 petite clarinette, 3 bassons, 1 contrebasson, 6 cors, 4 trompettes, 3 trombones, 2 tubas (dont 1 contretuba), timbales, percussions, 1 orgue, 2 harpes et cordes.