Depuis la tragédie de la Montagne Blanche (1621) qui avait mis fin à son indépendance, il n’y avait plus de musique tchèque : ne restaient que des musiciens tchèques ! La domination autrichienne étouffa toute velléité de culture nationale. Bien que de race slave, les tchèques subirent diverses influences occidentales jusqu’à leur émancipation au XIXe siècle ; émancipation qui se caractérise par un tiraillement entre deux pôles d’attraction : l’Occident et le slavisme.
Smetana put, dès sa prime jeunesse, intégrer les cercles d’intellectuels animés de sentiments nationalistes et révolutionnaires : la base de son art et de sa conscience. Il dira : « La musique n’est pas une fin en soi, mais un des modes de l’expression humaine. » Il est à l’origine d’une école symphonique tchèque qu’illustrera surtout Dvorák.
Son idéal, Smetana le puise chez Beethoven (artiste novateur et homme libre), Schumann, Chopin, Berlioz (qu’il découvre en 1846), Liszt, et Wagner. Mais, son héroïsme, son humour et sa tension, qu’expriment de souples mélodies et une rythmique de plus en plus complexe, sont les marques extérieures d’un artiste précurseur d’un individualisme naissant. Compositeur militant, Smetana réalise avec clairvoyance que l’opéra peut être un enjeu politique et répondre aux aspirations populaires.
« La Fiancée vendue », opéra en trois actes sur un livret de Karel Sabina, est créée au Théâtre national de Prague, le 30 mai 1866, après trois années de travail. L’œuvre qui illustre parfaitement le « tchéquisme » de son auteur ne remporte qu’un succès mitigé, car par « nationaliste » on entendait alors simple reflet de chansons et de danses rurales. Au fil du temps, « La Fiancée vendue », véritable institution, sera considérée comme l’exemple type de l’opéra « folklorique ».
Ecrite bien en amont du reste de la partition, Smetana fait de l’ouverture un morceau de concert enjoué et brillant, destiné à lancer l’opéra. Tout comme chez Mozart dont on retrouve quelques similitudes de caractère et de coloration, l’ouverture synthétise les thèmes principaux qui traversent et tissent l’œuvre : celui du contrat de mariage, de l’amour entre Marenka et Jenik (les deux fiancés), de Kecal (le marieur), etc.
Le fil rouge des trois œuvres programmées ce soir est d’ordre topologique : n’est-ce pas à Prague (à la fois berceau de la culture tchèque et capitale européenne de la musique), que furent joués et, pour la première fois unanimement reconnus, les plus grands opéras de Mozart ?
Alice BLOT
Nomenclature orchestrale :
2 flûtes; 1 piccolo, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, timbales et cordes.