Composition (opéra) : 1922-1923.
Création (opéra) : le 6 novembre 1924 à Brno, sous la direction de Frantisek Neumann
Arrangement (Suite) : 1937 (Talich) ; 2006 (Mackerras)
La chasse est un vieux récurrent dans l’histoire de la musique, que l’on retrouve aussi bien dans les folles courses-poursuites contrapuntiques d’une caccia, que dans un finale de symphonie de Haydn inspiré par la chaste Diane, ou dans les appels de cor surgissant d’un paysage sylvestre de quelque symphonie romantique, paraissant sonner l’hallali parce que l’homme et la bête ont décidé d’en finir. Adaptée et illustrée par Stanislav Lolek, une nouvelle de Rudolf Těsnohlídek paraît en feuilleton dans le journal Lidové noviny à Prague en 1920. C’est là un hymne émouvant rappelant la difficulté pour la nature et l’humanité à cohabiter. L’histoire est si simple quand douterait presque de sa capacité à servir l’opéra : une renarde s’est échappée de la demeure du garde-chasse qui a voulu l’apprivoiser ; amoureuse d’un renard, elle lui offre de beaux renardeaux mais tombe bientôt sous les balles du chasseur. Dans une ravissante et enfantine simplicité, cette histoire offre bien sûr au musicien de merveilleux décors, ainsi qu’un bestiaire propice aux expériences orchestrales : sauterelle et grillon chantent alors que la chasse se poursuit entre le moustique et le chasseur, entre la grenouille et le moustique. Si le chien est tristement épris de la renarde, les poules sont vainement invitées à se révolter contre le coq et finiront bien mangées comme il se doit. Il y a aussi un blaireau, ainsi que des hommes avec un chasseur, un maître d’école, un vagabond et un curé… Toute une société en somme, où les renardes ressemblent étrangement aux amours de jeunesse.
De l’opéra de Janáček, il existe principalement deux arrangements sous forme de suites d’orchestres : le premier réalisé par Václav Talich en 1937, le second par Sir Charles Mackerras en 2006. L’œuvre s’y prêtait d’autant mieux qu’elle avait été initialement conçue comme un « opéraballet » ou « opéra-pantomime » conférant une grande importance aux épisodes symphoniques. Charles Mackerras remarque que le premier acte « a l’esprit du ballet ; on peut presque visualiser tous les animaux et les insectes, ainsi que la capture de la renarde par le garde forestier et sa fuite. » En deux parties dans un même tempo andante, la suite de Václav Talich s’appuie sur le décor sylvestre et sur la profonde humanité qui caractérise les personnages. A la clameur de la forêt succèdent les sentiments contradictoires, les conflits qui opposent hommes ; forêt et village, animaux et hommes se regardent en miroir. Au fil de la suite, en entend le garde forestier endormi parmi les animaux et les insectes de la forêt, le jeu de la renarde et de la grenouille, le réveil soudain du garde surpris par le batracien, et la capture de la renarde. S’ensuivent les efforts inutiles du chien pour conquérir la prisonnière, les taquineries des enfants du garde, l’aventure avec les poules clôturée par un bon repas ! Puis l’évasion enfin, annonçant l’amour et le terme tragique mais si banal de ce conte animalier. Un collage parfaitement réussi des pages originales, mais dont Charles Mackerras, lui-même disciple de Talich, regrette qu’elle ne rende pas totalement justice à la merveilleuse palette orchestrale du compositeur tchèque : « Jusqu’ici, la Suite a toujours été jouée dans une orchestration de Václav Talich, qui, pour autant que je le respecte profondément, a effectué des choix curieux. La réorchestration de la suite par Talich est devenue une référence mais, aussi bien qu’elle sonne, elle affaiblit les sonorités très acides associées aux insectes et les contrastes que Janáček ménage par son orchestration. » On peut dès lors se demander quelle suite il faut privilégier, mais sans doute est-ce là affaire d’intention, de goût pour la somptuosité instrumentale ou la véracité des effets.
François-Gildas TUAL
Nomenclature orchestrale :
4 flûtes (la 4ème jouant aussi le piccolo), 3 hautbois (le 3ème jouant aussi le cor anglais), 2 clarinettes, clarinette basse, 2 bassons, contrebasson, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba, timbales, percussion, harpe, célesta et cordes.
Durée approximative : 16 minutes