- Noche de los Mayas – Molto sostenuto
- Noche de Jaranas – Scherzo
- Noche de Yucatán – Andante espressivo
- Noche de encantamiento – Tema y variaciones
Entre 1939 et 1940, interné suite à ses problèmes d’alcoolisme, Silvestre Revueltas tentait, tout en écrivant un émouvant Journal du sanatorium, d’achever ses dernières oeuvres parmi lesquelles un ballet inspiré par des gravures de José Guadalupe Posada. Ainsi allait disparaître beaucoup trop tôt l’une des figures musicales les plus marquantes du Mexique au 20ème siècle. Né dans le village de Santiago Papasquiaro (Durango), frère du peintre Fermín Revueltas, de l’écrivain José Revueltas et de l’actrice Rosaura Revueltas, Silvestre poursuivit sa formation musicale aux Etats-Unis avant de revenir dans son pays natal pour répondre à l’invitation de Carlos Chávez, devenir le second chef de l’Orchestre Symphonique du Mexique et enseigner le violon au Conservatoire de Mexico. Deux ans après sa dispute avec Carlos Chávez, il décida de se rendre en Espagne, ayant déjà écrit un merveilleux Hommage à Federico García Lorca (1936). Admirée par des compositeurs comme Edgard Varèse et Aaron Copland, son oeuvre n’en est pas moins négligée aujourd’hui, comme pour donner raison à quelques remarques extrêmement prophétiques émises par un Revueltas très lucide : “ Ma carrière est faite, il ne me reste qu’à me faire connaître et cela viendra avec le temps. Je ne suis pas pressé. Le moment viendra, même si je suis mort ”.
Ses restes reposent aujourd’hui dans la Rotonde des Hommes illustres de Mexico. Vue de notre vieille Europe, la musique mexicaine serait née avec l’arrivée des conquistadors et, avec Juán Ortiz notamment, de guerriers parfois aussi adroits dans le maniement des armes que dans celui de la vihuela. Certes, il ne resta presque rien, après trois siècles de domination étrangère et d’extinction progressive des populations indigènes, des pratiques musicales des anciennes civilisations. Mais cette histoire tourmentée ne pouvait être méconnue par le renouveau de la musique mexicaine au début de vingtième siècle : né la même année que Silvestre Revueltas, enfant de la révolution, Carlos Chávez devait à la fois rendre hommage au Mexique précortésien, et s’inscrire dans le présent avec une “ symphonie prolétarienne ” et une “ ouverture républicaine ”. Membre de la Ligue des écrivains et artistes 8 révolutionnaires, Silvestre Revueltas aspirait lui aussi à “ rendre la culture au peuple ”, fidèle à ses idéaux jusqu’à se rendre en 1937 en Espagne afin de soutenir ses frères de la Ligue des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires. Après y avoir rencontré Pablo Neruda, Rafael Alberti et le poète afro-cubain Nicolás Guillén, il désira même gagner l’U.R.S.S. et ne rentra au Mexique que par manque d’argent pour poursuivre son voyage. A ces deux hommes donc, le Mexique dut l’émergence d’une vie musicale originale, pour en finir avec les vieilles idées sclérosées importées d’Europe, et jusqu’alors entretenues par un conservatoire, selon Revueltas, “ miteux et succombant à la tradition ”.
Entre Chávez et Revueltas, une amitié bien naturelle puisque le premier, alors chef titulaire de l’Orchestre Symphonique du Mexique, invita le second à devenir son assistant. Mais une brouille, un peu de jalousie et beaucoup d’incompréhension parvinrent par séparer leurs routes, incitant Revueltas, excellent violoniste et professeur au conservatoire, à fonder en 1935 son propre Orchestre Symphonique National. Si le compositeur fut souvent présenté comme un autodidacte, il avait profité d’une excellente formation dans sa région natale et à Mexico, puis à l’Institut Saint-Edward d’Austin et au Chicago Musical College. D’où son exceptionnel métier d’orchestrateur, et une inspiration mélodique véritable qui lui évite de succomber au piège de la citation systématique, et d’intégrer parfaitement à son discours les références à un répertoire populaire plus ou moins authentique. La magie des Mayas est toute entière contenue dans la puissance, voire la débauche sonore de cette surprenante nuit orchestrale, composée initialement pour accompagner un film réalisé dans le Yucatán par Chano Urueta. Le premier accord, les premiers coups de la percussion, les lignes parallèles à la modalité archaïque nous plongent aussitôt au coeur d’un monde sans âge, avant de nous inviter à une sorte de fête populaire pleine de danses irrésistibles dans le deuxième mouvement.
Tandis que, pour Revueltas, la musique donnant “ à penser ” était “ insupportable ”, la recherche de clarté n’impliquait nullement les facilités ou les abandons démagogiques à quelques principes stylistiques prétendument plus accessibles : “ Je ressens en moi une interprétation très particulière de la nature. Tout est rythme. La langue du poète est la langue commune, que nous comprenons ou que nous sentons tous. Seul le musicien doit raffiner son propre langage. La musique, pour moi, c’est tout cela mis ensemble. Mes rythmes sont forts, dynamiques, tactiles, visuels ”.
François-Gildas TUAL
Durée : 25 minutes environ
Nomenclature orchestrale : 2 flûtes (jouant aussi le piccolo), 2 hautbois, 2 clarinettes (jouant aussi la petite clarinette), clarinette basse, 2 bassons, 4 cors, 3 trompettes, 2 trombones, tuba, timbales, percussions, cordes
Dernière exécution à Monte-Carlo : 7 décembre 2008 Auditorium Rainier III, Miguel Harth-Bedoya, direction